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Un Miroir

october 12, 2018

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Self-love

by Claude Cahun (1894-1954)​

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Une main crispée sur un miroir - une bouche, des narines palpitantes - entre des paupières pamées, la fixité folle de prunelles élargies... Dans l'horizon brutal d'une lampe électrique, en blond, mauve et vert sous les étoiles, voilà tout, par pudeur! Ce que je voudrais éclairer du mystère: le néo-narcissime d'une humanité pratique.

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Mon tableau serait de cette époque hypocrite et sensuelle où les hommes préféront leur propre contact et son muet mépris à l'amour bavard des autres.

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Croirait-on la chose impossible? On oppose à ce tableau les morales et les autres amours. Pourtant le tain des miroirs épaissit. Non plus absolu, mais aimablement relatif, l'être s'individualise. L'orgueil devient vertu. Le corps se connaît et s'absout. 

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Le mythe de Narcisse est partout. Il nouse hante. Il a sans cesse inspiré ce qui perfectionne la vie, depuis le jour fatal où fut captée l'onde sans ride. Car l'invention du métal poli est d'une claire étymologie narcissienne. 

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Le bronze - l'argent  - le verre: nos miroirs sont presque parfaits. Nous souffrons encore de leur position verticale; c'est déjà plus confortable qu'un plat-ventre sur le gazon. Les paresseux étendus sur leur ombre se mirent dans le ciel. Mais pour peu qu'un fâcheux les tire de leur mollesse, avec un bruit de verre cassé le reflet se brise.

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Il faudrait maintenant fixer l'image dans le temps comme dans l'espace, saisir des mouvements accomplis - se surprendre de dos enfin.

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"Miroir," "fixer," voilà des mots qui n'ont rein à faire ici.

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En somme, ce qui gêne le plus Narcisse le voyeur, c'est l'insuffisance, la discontinuité de son propre regard.

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Self-Love

translated by Mary Ann Caws

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A hand clutching a mirror - a mouth, two quivering nostrils - between eyelids, the mad fixity of enlarged pupils... In the brutal sweep of an electric lamp, blond, mauve and green under the stars, that's all there is, modesty! What I would like to clarify from the mystery: the neo-narcissim of a practical humanity.

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My painting would represent this hypocritical and sensual epoch in which people prefer their own contact and its mute scorn for the talkative love of others.

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Does this seem impossible? We oppose morals and other loves to thus picture. However the silvering of mirrors thickens. No longer absolute, but wonderfully relative, the person is individualized. Pride becomes virtue. The body knows and absolves itself.

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The myth of Narcissus is everywhere. It haunts us. Doubtless it has inspired what makes life perfect, from the fatal day when the unwrinkled wave was caught. For the invention of polished metal is of a clearly narcissist etymology.

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Bronze - silver - glass: our mirrors are almost perfect. We suffer still from their vertical position; it's already more comfortable than being extended on the lawn. The lazy ones stretched out on their shadow gaze at themselves in the sky. But if someone meddlesome draws them out of their softness, the reflection breaks apart with a noise of broken glass.

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Now we should fix the image in the time as in space, seize the motions completed - finally surprise ourselves from behind.

 

"Mirror," "to fix," these words are out of place here.

 

Finally, what worries Narcissus the voyeur the most is the insufficiency, the discontinuity of his own gaze.

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xoxo, L

a photo series with Art Blanche

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